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Le Monde diplomatique, février 2017

DANS LES REVUES

ADEN – PAUL NIZAN ET LES ANNÉES TRENTE.

        Un dossier consacré aux journées de février 1934 et aux réactions des écrivains français. Également, la réception critique de l’essai de Paul Nizan,Les Chiens de garde en 1932. (N° 15, octobre, annuel, 26 euros. — Nantes.)

Le Matricule des anges, février 2017

Aden N° 15 (Février 1934 et les écrivains français), 274 pages, 26 €

"Paul Nizan et son temps"

            Le fascisme menace : las des scandales de corruption répétés, ayant perdu toute confiance dans des élites coupées du peuple, des émeutiers (petits bourgeois, ligueurs, anciens combattants...) attaquent la Chambre des députés, le 6 février 1934. Les gardes républicains débordés font feu : une vingtaine de tués et plusieurs centaines de blessés sont le lourd bilan de ce que certains dénoncent alors comme une tentative de coup d’état. Le 12 février, l’appel à la grève générale et les énormes manifestations qui réunissent la CGT, la SFIO et le PCF apparaîtront a posteriori comme l’acte de naissance de ce qui deviendra le Front Populaire. Ce riche numéro de la revue Aden, consacrée à l’œuvre de Paul Nizan (1905-1940), montre bien le traumatisme que représenta pour certains écrivains cette semaine funeste et comment ils durent y faire face. Des analyses et des textes retrouvés nous permettent ainsi de découvrir un roman oublié d’André Chamson, La Galère, « parabole antifasciste », les interprétations naturellement divergentes entre, d’un côté, Brasillach et Drieu La Rochelle et, de l’autre, Aragon, André Wurmser et Jean Prévost, ou encore l’échange polémique entre Ramon Fernandez et François Mauriac. Nous assistons également à la naissance du célèbre Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes. Tandis que la rubrique consacrée à Nizan étudie la réception de son pamphlet (anti)philosophique Les Chiens de garde, de copieuses notes critiques reviennent sur les thèmes abordés dans les précédentes livraisons de la revue. Les années 30, on le voit, nous parlent encore.

                                                                                                               Thierry Cecille

 

Ent'revues. Le journal des revues culturelles, 6 juin 2017

« Aden et février 1934, une revue pour réveiller notre mémoire »

            Équivalentes de l’affaire Dreyfus pour ses contemporains, les trois journées de février 1934 s’inscrivent, est-il dit, en « lettres de feu » dans l’histoire de l’antifascisme en France. Bien que l’historiographie sur ce sujet soit abondante, la revue Aden, sous-titrée Paul Nizan et les années 30 (no 15, octobre 2016, 274 pages, 26 euros) a eu la bonne idée d’aller interroger non pas l’événement lui-même, mais les représentations qu’en ont donné des écrivains, des militants à partir de leur expérience vécue. Ce qui nous vaut de plonger dans des écrits parfois oubliés, mais surgissant de nouveau, pleins de vie et de passion. Sont ainsi analysés le roman quasi autobiographique d’André Chamson, La Galère (1939), les chroniques de Jean Prévost dans la revue revue Pamphlet[i] et son témoignage romanesque dans La Chasse du matin(1937), l’examen de conscience de Simone de Beauvoir dans La Force de l’âge (1960). Au spectacle de la foule émeutière, le regard d’écrivains fascinés par le fascisme tels Pierre Drieu La Rochelle et Robert Brasillach est confronté à celui des communistes André Wurmser et Louis Aragon.

            Les auteurs de la revue font appel aussi à des documents de l’époque, écrits sur le vif, parfois drôles, puisés dans La Révolution prolétarienneL’HumanitéMarianneLa Jeune révolution. Un dialogue sur le thème « Le front de l’argent contre ceux qui n’en ont pas », oppose malicieusement François Mauriac dans le journal catholique Sept à Ramon Fernandez dans La Nouvelle Revue française. Un curieux texte, tiré des archives du Centre d’histoire sociale du xxe siècle (Paris I) et semble-t-il, jusque-là inédit, le Plan Flamme. Activation socialiste par la propagande antifasciste, suscite l’étonnement et souligne certains égarements de pensée : écrit par un mystérieux médecin russe exilé, Serge Tchakhotine (1889-1973), connu sous le pseudonyme de Docteur Flamme dans les milieux de la SFIO, le texte propose en 9 points à la gauche de s’inspirer de l’esthétique du camp adverse par la méthode dite de la « propagande populaire émotionnelle agressive » !

            Une partie du numéro intitulée « Du côté de Paul Nizan », consacrée à la réception des œuvres de Paul Nizan, porte cette fois sur l’accueil des Chiens de garde (1932), dans diverses revues contemporaines comme PlansLes Nouvelles littérairesMonde ou Les Cahiers du Sud : les textes reproduits sont accompagnés d’un impressionnant et fort utile appareil critique. Le travail accompli dans les notes, remarquables par leur précision savante, irrigue d’ailleurs l’ensemble des contributions, donnant ainsi une actualité vivante à ces voix du passé. Fort pertinente enfin, la rubrique des comptes rendus dédiée à la production culturelle des années trente.

                                                                                                                    Jacqueline Pluet

[i] Cf. Emmanuel Bluteau, « Jean Prévost, passage en revues », La Revue des revues, no 51,printemps 2014.