« Que pas une de nos actions ne soit pure de la colère » (Aden Arabie, 1931)

Revue ADEN

mercredi, 21 septembre 2022 12:17

Allons au-devant de la vie ! La question des loisirs n°19 de la revue Aden. Paul Nizan et les années 30 (octobre...

mercredi, 21 avril 2021 18:34

Devant la guerre Septembre 1938-septembre 1939 n° 17-18 de la revue Aden. Paul Nizan et les années 30   (avril...

Le Monde diplomatique, mars 2012

Aden - Paul Nizan et les années trente. La livraison annuelle de cette revue est consacrée à l’engagement des artistes (théâtre, danse, peinture, cinéma). Au sommaire, les rapports entre le surréalisme et l’opposition de gauche, le destin des sculptures soviétiques de l’Exposition universelle de 1937.

 

Europe, n° 996, Avril 2012

Revue Aden, n°10 : « Artistes, engagez-vous ! » (465 p., 25€).

Après son n°9 sur la guerre d’Espagne, ce numéro d’ADEN – dont la ligne éditoriale est dédiée aux années 1930 et à leurs héritages [1] - est consacré à l’engagement des artistes. Dans son avant-propos, le rédacteur en chef Guy Palayret en présente les enjeux. L’engagement des artistes au cours de cette période est selon lui un mot d’ordre nécessaire et urgent, le contexte politique étant fait de menaces de plus en plus lourdes pour la démocratie et pour la liberté des artistes. Il cite comme exemple d’engagement la revue Le Surréalisme au service de la Révolution, le manifeste de Breton et Trotski « Pour un art révolutionnaire indépendant » et surtout la création de l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires (AEAR) dont la revue publie d’intéressants procès-verbaux de séances dans sa rubrique « Textes et Témoignages retrouvés ».

Le numéro insiste sur la diversité de l’engagement des artistes au cours de cette sombre décennie : diversité des engagements, des arts concernés (la danse avec Kurt Jooss, la peinture avec Antoine Serra, le cinéma avec Luis Buñuel…), diversité géographique des pays où le problème est étudié (la France bien sûr mais aussi l’Allemagne, le Mexique…). Enfin, si certains noms sont connus de la plupart des lecteurs, d’autres sont méconnus voire inconnus et c’est un des intérêts de ce numéro d’Aden de les faire découvrir.

Ainsi, Sabrina Dubbeld nous permet de faire connaissance avec le Groupe Témoignage. Créé en 1936 par l’écrivain Marcel Michaud (1898-1958), ce mouvement né à Lyon lutte contre le lieu commun, la mode. Il s’agit d’un engagement contre l’esprit bourgeois, contre l’esprit provincial aussi. Cet esprit, trop imprégné de matérialisme, marque une décadence de l’Occident. Cette décadence, le groupe en voit l’origine dans l’humanisme de la Renaissance qui favorise le développement du plus grand drame de l’art : la quête d’originalité qui se substitue à la recherche purement formelle. Il propose donc un retour à l’esprit médiéval, époque où art, religion et société se confondaient et où l’artiste et l’artisan ne faisaient d’un. Cependant, ces artistes ne sont pas coupés des évolutions de l’art contemporain et sont marqués en particulier par le cubisme (pour ses recherches formelles) et le surréalisme (pour sa liberté et sa poésie).

D’autres engagements sont plus précis et plus radicaux. Beaucoup d’articles sont en effet consacrés à l’engagement politique d’artistes dans le communisme : Fédération du Théâtre Ouvrier de France, les groupes Octobre et Travail, Antoine Serra, Luis Buñuel, la Liga de Escitores y Artistas Revolucionarios (LEAR) au Mexique. Il nous semble ici que le numéro de la revue ne s’interroge pas assez sur les problèmes que pose cet engagement. Car il est encadré par des partis politiques (le PC) et derrière un Etat, l’Union Soviétique. Cela aurait mérité réflexion, surtout quand on sait ce qui motive l’engagement : la montée en puissance de l’Allemagne nazie, cette dernière mettant l’art au service de sa volonté de puissance.

Il aurait donc fallu questionner cet effet de miroir d’une engagement artistique fortement encadré par le politique dans les deux camps. Ce qui aurait pu amener à approfondir la notion d’engagement.

On en revient alors à l’avant-propos de Guy Palayret. Ce dernier note deux figures de l’engagement chez les artistes : la dénonciation des réalités sociales, la prise de parti sur le terrain politique à l’instar de Zola sur l’affaire Dreyfus. Il restait à préciser en quoi l’engagement politique au XXème siècle diffère de celui du XIXème siècle. En effet, si Zola s’engage politiquement, il ne le fait pas dans une organisation politique structurée par une idéologie, qui plus est une idéologie qui se veut à cette époque prescriptrice sur le terrain esthétique. De ce point de vue, si l’article de Matthieu Le Tallec sur les relations entre surréalistes et trotskistes est le bienvenu, il ne souligne pas assez la force du Manifeste de Breton et Trotski et de son mot d’ordre : « Toute licence en art ! »

En conclusion, ce numéro d’ADEN est à lire par tous ceux qui s’intéressent aux relations entre l’art et l’engagement, par tous ceux qui pensent, comme l’écrit Guy Palayret, « que la veine d’un art militant, en son sens le plus large, n’est pas éteinte ». C’est bien là le plus important.

Philippe BRARD

[1] La revue ADEN – Paul Nizan et les années trente – a été créée en 2002 par le GIEN (Groupe Interdisciplinaire d’Etudes Nizaniennes).

 

Dissidences, n°3, Printemps 2012

Revue Aden, n°10 : « Artistes, engagez-vous ! » (465 p., 25€).

Dans les années trente, la « tour d'ivoire » des créateurs se fissure au fur et à mesure que la menace fasciste, intérieure mais aussi et surtout extérieure, se fait de plus en plus précise en Europe. Il s'agit d'abord d'être vigilant, puis de s'engager et enfin de prendre parti, de contre-attaquer. Ces différentes phases ne se suivent pas mais s'interpénètrent au gré des situations ou des aires géographiques. Néanmoins, les stratégies différent voire divergent entre militants communistes, anti-staliniens, surréalistes, antifascistes de base etc. Ce dixième volume d'Aden aborde donc ces sujets. Remarquons que notre collectif Dissidences a publié en 2009 un volume sur des problématiques voisines, « L'art comme résistance ». Comme à l'habitude, une série de contributions précède des « Textes et témoignages retrouvés », alors qu'une centaine de pages de comptes rendus d'ouvrages (en majorité) ou de films, expositions etc. ferment le ban. Jean-René Kerézéon en est toujours l'illustrateur attitré. Parmi les contributions de qualité, nous retiendrons celle de Léonor Delaunay, docteure en études théâtrales et spécialiste du théâtre ouvrier (« De l'« agit-prop » au théâtre populaire. Contribution à une anatomie de l'engagement théâtral dans les années 30 »), dans lequel elle aborde les changements de posture de l'engagement communiste dans le théâtre, apportant les nuances nécessaires, mais aussi les précisions pour comprendre comment et pourquoi un théâtre prolétarien et révolutionnaire s'éteint progressivement au profit d'une approche plus consensuelle. Celle de Frédéric Thomas, par ailleurs membre de notre collectif Dissidences, examine l'évolution du cinéaste Luis Buñuel, de l'avant-garde au communisme, à travers une étude de cas, son film documentaire Las Hurdes. Tierra sin pan (Terre sans pain) de 1933. Il note que le « double contexte politique et surréaliste [en] éclaire la réalisation [...] et en surdétermine les enjeux » (p. 173). En effet, le mouvement surréaliste subit en 1932 la rupture entre Aragon et Breton, et le Parti communiste abandonne sa tactique « classe contre classe » pour celle du Front populaire. Mais Buñuel refuse d'être consensuel, il désire que son film provoque plus qu'il n'apaise. Bien avant le moment situationniste, il veut « rendre la honte plus honteuse en la livrant à la publicité ». Si l'article de Mathieu Le Tallec sur les rapports entre les surréalistes et les anti-staliniens, surtout trotskistes, n'apporte rien de neuf, ceux de Aurore Heidelberger, Patrick Dubuis et Pierre-Frédéric Charpentier, le premier sur l'oeuvre chorégraphique pacifiste de l'Allemand Kurt Jooss, le second sur le peintre italien De Pisis et le troisième sur le sculpteur allemand Otto Freundlich, considéré comme « artiste dégénéré » par les nazis, mettent en lumière trois artistes engagés tombés dans l'oubli. Retenons aussi l'article de Robert Mencherini sur un peintre communiste marseillais, Antoine Serra, même si les lecteurs de l'ouvrage de J.-C. Lahaxe, Les communistes à Marseille à l'apogée de la guerre froide (PUP, 2006) connaissent déjà ce militant. L'antifascisme communiste mexicain (L. Velasco-Pufleau), le destin des sculptures soviétiques de l'Exposition universelle de 1937 (A. Dufils, F. Gentili, M. Vacher), le groupe lyonnais Témoignage (S. Dubbeld) complètent les études. La partie « Témoignages » présente, précédée d'un avant-propos extrêmement documenté de Patrice Allain, spécialiste du surréalisme, les procès verbaux de deux séances de l'AEAR, en 1933, qui permettent de comprendre les rapports tumultueux (qui se termineront en rupture) entre communistes et surréalistes. Au final, un fort passionnant volume, comme à l'accoutumé.

[Aden. Paul Nizan et les années trente c/o Anne Mathieu, 11, rue des Trois Rois, 44000 Nantes, 25 € ce n°, abonnement pour 4 n°, 84 € (+ 6 € de port), les anciens n° sont toujours disponibles, sauf les 1, 2 et 5, épuisés, http://www.paul-nizan.fr ]

La revue Aden 10 a été évoquée sur France Culture le mercredi 7 décembre dans la chronique "L'essai et la revue du jour" de Jacques Munier.