« Que pas une de nos actions ne soit pure de la colère » (Aden Arabie, 1931)

Revue ADEN

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Maurice DETHIER
(ancien adhérent du G.I.E.N. ; collaborateur au n° 4 de la revue Aden)

" Je me souviens... " : Ma rencontre avec Nizan passe par Rimbaud et sa Saison en enfer. A dix-huit ans, un malaise profond m'empêche de m'asseoir. La position est insupportable. Deux solutions : marcher ou rester couché. Et c'est couché, que j'ai lu, dans un vieux volume de poche, les mots qui m'ont permis de donner le coup de pied sur le sable du fond pour remonter à la surface. " Je me suis armé . Je me suis enfui . La marche, le fardeau, l'ennui et la colère . Voyez comme le feu se relève! . Remonter à la vie! . Je fixais des vertiges . Cela s'est passé. Je sais aujourd'hui saluer la beauté . tenir le pas gagné . à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes . et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps ". J'ai lu et relu, souligné les mots qui me rendaient souffle et espoir.
Vingt-cinq ans plus tard, au hasard d'une déambulation jamais innocente entre les rayons d'une librairie, un titre attire mon regard : Aden Arabie. Un titre, car l'auteur m'est inconnu, oublié des histoires littéraires et des cours de littérature. Un titre, renvoi au poète de Charleville, quittant pays et écriture pour de longs et pénibles voyages passant par Aden. J'ai feuilleté le livre et j'ai été intrigué par le signataire de la longue préface (Sartre) et ses phrases étranges : " il ne suffisait pas qu'il eût cessé de vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé ". Le monde des lettres avait suivi et un homme avait été rayé de la carte, exilé, perdu. Chemins de traverse : trente-cinq ans de vie pour Nizan, trente-sept pour Rimbaud; oubli orchestré pour le premier, semi-volontaire pour le second et, pour les deux, cet étrange rendez-vous avec soi au bord du monde . Aden.
J'ai acheté le livre. J'ai lu et souligné : " abandonner cette existence . pour devenir quelqu'un de nouveau, quelqu'un d'étranger, qui serait vraiment lui-même ; la culture était trop compliquée pour permettre de comprendre autre chose que les rides de la surface ; la bourgeoisie gave ses intellectuels dans des murs pour qu'ils ne soient pas tentés d'aimer le monde ". Et Rimbaud tiré malgré ses derniers défenseurs du côté de la Sacristie de Saint-Sulpice . Révolte trahie. Contrôle de l'Eglise, du Parti, de l'Etat. Prémisses de la Conspiration. Trahison des idéaux. Doigt désignant comme traître celui resté fidèle à lui-même. Doigt qui désignera Nizan. " Fuir, toujours fuir pour ne plus penser que vous êtes mutilés . chercher les objets qui n'obligent pas à des dressages . Toute recherche présente met en péril l'Ordre. " Révélation ." comprimé d'Europe " et " roc affreux. " Homo poeticus ou homo economicus. Même retour par Marseille. Lutte et fin du chemin.

" Nizan... Aujourd'hui ! " : Après, à l'occasion d'un travail universitaire, j'ai découvert La Conspiration, le reste de l'oeuvre et l'existence du G.I.E.N. " Il va falloir chercher l'intensité . Sacrifier ce qui compte peu . ". Rimbaud et Nizan : souviens-toi d'être toi et de ton humanité dérobée.

[Maurice Dethier, né à Liège (Belgique) en 1958, enseignant, psychothérapeute, vient de terminer une licence en langues et littératures romanes]