« Que pas une de nos actions ne soit pure de la colère » (Aden Arabie, 1931)

Revue ADEN

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Manuel GALEA
(adhérent au G.I.E.N. depuis 2005 ; collaborateur au n° 6 d'Aden)

" Je me souviens... " : Mon grand-père maternel a été des premières luttes communistes dans les usines Peugeot de Montbéliard et ma famille paternelle, résidant à Alger, a quitté à regret son Algérie natale pour l'indépendance de laquelle elle avait pris fait et cause. La notion de destin est chère à Nizan. Disons que cette origine familiale a dû influencer mon intérêt précoce pour la politique ainsi que pour les luttes et engagements sociaux. Au cours de mon parcours en faculté de Lettres, c'est naturellement que la littérature dite " engagée " a retenu toute mon attention. C'est par l'existentialisme que j'ai d'abord investi les problématiques touchant à l'éthique et l'esthétique. J'ai dévoré Sartre et, au détour de chacune de ces lectures, un nom revenait qui me séduisait déjà par sa seule consonance : Nizan, Paul Nizan. Figure curieuse par sa diversité : écrivain, philosophe, journaliste ou militant communiste, il demeurait pour moi le plus proche camarade de Sartre et par là même, digne d'intérêt.
C'est avec enthousiasme que je découvris le programme du premier semestre de licence : la bourgeoisie des années Trente : La Nausée , Les Voyageurs de l'impériale et La Conspiration . Mais vingt ans n'est plus l'âge des idoles. A cette période l'existentialisme montrait ses limites et j'explorais véritablement Paul Nizan. A travers l'étude de La Conspiration , j'ai découvert la précocité d'une critique acerbe contre la société, les individus et institutions qui la composent : derrière les turpitudes de la famille Rosenthal, l'ennui des jeunes intellectuels pour qui la révolution n'est qu'un jeu de dupe ou cette condamnation d'un intellectualisme stérile, c'est la maturité de ce doute quant au bien fondé de l'ordre établi et la précocité de cette suspicion contre les normes et valeurs bourgeoises, corollaires d'une volonté révolutionnaire, qui ont répondu d'abord à mes attentes personnelles.
J'ai lu Antoine Bloyé et Le Cheval de Troie . Mais, en complément de La Conspiration , c'est Aden Arabie qui a retenu mon attention. Cette dénonciation si lucide des méandres de la société du Capital, par un jeune intellectuel d'à peine plus de vingt ans, m'a réellement enthousiasmé. Ces lectures m'ont également permis d'approfondir ma connaissance de l'éthique communiste, capable selon l'auteur de refonder le lien social pour une société plus juste.

" Nizan... Aujourd'hui ! " : C'est par le prisme de La Conspiration et d' Aden Arabie , que m'ont séduit les enjeux esthétiques et éthiques fondamentaux d'une période sur laquelle je travaille encore aujourd'hui. Ma lecture du roman français des années Trente, pour mon travail de thèse, m'a permis d'approfondir et de compléter celle des ouvres de Nizan et de les remettre en perspective au sein de la production romanesque de l'époque : toujours le même plaisir, toujours les mêmes enjeux. toujours la même lucidité.
Séduction d'un jeune intellectuel des années Trente : depuis quatre ans maintenant, toujours cette attention à l'aliénation physique et morale des individus, toujours cette dénonciation de tout ce qui divise, isole et mutile les individus. Nizan demeure pour moi une figure de son temps, exemplaire de ce rôle de l'écrivain posé comme médecin au chevet d'un corps social malade. Et au-delà du plaisir esthétique qu'il procure, il faut lire Nizan à travers l'héritage fondamental qu'il nous laisse : la nécessité de la révolte et la capacité de remettre en cause des dogmes sociaux toujours si oppressants et insidieux. Nizan. rien de plus actuel , me semble-t-il !

[Manuel Galéa est né en 1980 à Bar le Duc. Il est doctorant en littérature française à l'université Paul Verlaine de Metz et est actuellement à l'Université de Fès]